Voir la note associée : Égalité hommes-femmes : une question d’équité, un impératif économique
Malgré des avancées significatives ces trente dernières années, les inégalités entre femmes et hommes sur le marché du travail en France restent préoccupantes, avec un écart de revenu moyen de 30 % en 2020. Ces inégalités constituent à la fois une atteinte à l’équité et un frein majeur à la croissance économique. Dans cette Note, Emmanuelle Auriol, Camille Landais et Nina Roussille analysent les mécanismes qui expliquent la persistance de ces inégalités et identifient les trois moments clés où elles se creusent : lors du choix de formation, à l’arrivée des enfants et dans le déroulé des carrières. Les auteurs préconisent une stratégie ambitieuse et coordonnée pour agir sur tous ces leviers afin de réduire efficacement et durablement ces inégalités.
Les inégalités commencent dès le système éducatif
Si les filles réussissent mieux à l’école en moyenne, elles restent largement sous-représentées dans les filières scientifiques et techniques qui conduisent aux meilleures rémunérations. Ces choix d’orientation sont influencés par des stéréotypes de genre qui se manifestent dès le plus jeune âge, limitant les ambitions des filles dans ces filières. Cette ségrégation contribue à maintenir les écarts de salaire entre femmes et hommes tout au long de leurs carrières.
Recommandation 1. Mettre en place un plan ambitieux, avec des objectifs chiffrés, pour augmenter la représentation des filles dans les filières scientifiques. Commencer dès le CP en s’appuyant sur des brigades de professeurs des écoles spécialisés en mathématiques et formés pour améliorer son enseignement, notamment auprès des filles. Promouvoir les carrières scientifiques tout au long de la scolarité par l’intervention régulière de modèles féminins positifs.
L’impact de la « pénalité parentale »
Dans les dix années qui suivent la naissance de leur premier enfant, les femmes perdent 38 % de leurs revenus du travail par rapport à une situation contrefactuelle où elles n’auraient pas eu d’enfants, un retard qu’elles ne combleront jamais dans la suite de leur carrière. Cette « pénalité parentale » résulte de la baisse de la participation des femmes au marché du travail, de la réduction de leurs heures travaillées et de l’acceptation de postes moins bien rémunérés au profit d’une plus grande flexibilité. Le revenu des hommes n’est, quant à lui, pas affecté par la parentalité.
Ce ne sont pas
tant les considérations économiques que les stéréotypes de genre et les normes
sociales relatives à l’organisation de la famille qui sont responsables de
cette si forte spécialisation au sein des couples lors de l’arrivée des
enfants. C’est pourquoi il faut développer l’offre de garde des jeunes enfants
et réformer les congés parentaux afin de permettre une meilleure répartition
des responsabilités parentales dès les premiers mois de l’enfant et réduire
l’impact de la maternité sur la carrière des femmes.
Recommandation 2. Porter la durée du congé paternité à 10 semaines, dont 6 obligatoires. Coupler cette réforme avec l’instauration d’un véritable service public de l’accueil des jeunes enfants et avec des campagnes d’information sur les droits et sur les coûts à long terme du « préjudice lié aux enfants ». Financer ces efforts par la suppression d’un jour férié ou d’un jour de congé.
Des discriminations persistantes dans les promotions et les carrières
Même lorsque les femmes suivent les mêmes cursus que les hommes et travaillent à plein temps, il subsiste des écarts de salaires et de carrières, liés à l’organisation des carrières et aux fortes asymétries d’information sur le marché du travail qui pénalisent les femmes. En effet, bien que les discriminations à l’embauche liées au sexe semblent limitées en France, les inégalités de genre persistent sous des formes plus subtiles freinant la réalisation du potentiel des femmes sur le marché du travail. Ainsi les écarts de progression salariale entre hommes et femmes sont-ils principalement dus aux différences d’accès aux promotions. Et même lorsque les femmes sont promues, elles sont souvent assignées à des tâches moins valorisées, avec moins d’autonomie et de responsabilités que leurs homologues masculins.
Recommandation 3. Obliger les employeurs, sous peine de sanctions, à indiquer le salaire ou la fourchette de rémunération initiale dans l’annonce de l’offre d’emploi ou avant l’entretien.
Recommandation 4. Rendre plus contraignantes les politiques de quotas aux postes exécutifs et d’encadrement. Encourager les partenaires sociaux à négocier des accords de branche pour rétablir l’égalité hommes-femmes dans les évolutions de carrière et pour l’accès aux promotions.
La nécessité d’un Big Push
Les inégalités sur le marché du travail pénalisent la croissance française. Les exemples historiques montrent que pour corriger de tels déséquilibres, il faut des chocs majeurs ou des politiques massives et coordonnées. En effet, de par la multiplicité des facteurs déterminant les inégalités tout au long du cycle de vie et de leurs fortes interdépendances, seule une stratégie ambitieuse, agissant sur tous ces leviers en même temps, est susceptible de construire une société plus équitable tout en libérant le potentiel économique lié à une meilleure inclusion des femmes sur le marché du travail.
Recommandation 5. Porter au plus haut niveau politique un plan d’action interministériel couvrant à la fois l’éducation, la carrière et la parentalité. Instaurer un comité de suivi opérationnel chargé de sa mise en œuvre et prévoir une évaluation des différentes mesures.
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