Hommage à Philippe Martin

C’est avec une immense tristesse que nous avons appris la mort de notre ami Philippe. Pour lui, le CAE était un peu devenu sa maison. Pour nous, il l’a marquée d’une empreinte, tant intellectuelle que personnelle, que nous ressentons encore chaque jour.

Si l’image de Philippe et celle du CAE sont indissociables, c’est parce qu’institutionnellement il y aura passé plus de dix ans de sa vie, d’abord en tant que membre, dès 2012, puis en tant que Président délégué à partir de 2018. C’est dans ces fonctions qu’il a contribué à forger l’identité unique de l’institution, à renforcer sa place respectée dans le débat public. À force d’énergie et de patience, il en a fait un acteur incontournable en appui de la décision publique.

Au CAE, il a cultivé sa passion de la chose publique. Car Philippe n’est pas un chercheur dans sa tour d’ivoire. Il souhaite au contraire que le savoir contribue au débat. Et sa vision de l’économie est celle d’une discipline ouverte, curieuse et qui sert l’intérêt général, pas celle d’une science sûre d’elle-même et dominatrice dans le champ des sciences sociales.

Cette passion pour la chose publique, c’est une passion intellectuelle bien sûr, mais on sent qu’elle répond aussi à un ressort plus intime : à la fois une exigence morale très personnelle, celle d’aider les autres, toujours, et aussi un certain goût pour l’action. Car Philippe, homme discret et infiniment respectueux, a quand même, quand il le faut, un petit côté madré et il apprécie une certaine forme de combat. Il ne rechigne jamais à monter au front, à mouiller la chemise pour défendre l’expertise du Conseil auprès des politiques ou des journalistes, et n’hésite pas à se frotter à des sujets épineux (immigration, cannabis, successions) pour éclairer le débat public.

Il a également impulsé une innovation radicale au CAE. Alors que, jusque-là, les travaux du Conseil reposaient essentiellement sur des synthèses de la littérature académique existante, il souhaite que le Conseil produise aussi des recherches originales, avec le même degré de rigueur que la recherche académique et la même réactivité que la décision publique. C’est à son sens le meilleur moyen de faire fructifier l’expertise économique dans le débat public. Il fait ainsi du CAE une fenêtre ouverte sur le monde de la recherche dans l’écosystème administratif. Cette appétence pour le dialogue et la coopération entre des mondes qui trop souvent s’ignorent aura montré toute sa valeur durant la crise du Covid, pendant laquelle Philippe mobilisera, avec une grande flexibilité et une rapidité hors norme, un large éventail d’expertises au sein du CAE pour aider à dessiner des politiques publiques inédites.

Pour satisfaire cette ambition, Philippe s’est battu pour renforcer et transformer l’équipe permanente du Conseil afin d’appuyer les membres dans leurs analyses. Car si les membres offrent gracieusement leur temps et leurs efforts au Conseil, les travaux du CAE n’en nécessitent pas moins un minimum de ressources humaines. C’est ainsi que Philippe va forger au fil des cinq années où il préside le CAE, plus qu’une équipe, une vraie petite famille. Un groupe à son image : passionné, chaleureux, résolu. C’est à cette famille-là qu’il manque aujourd’hui cruellement. Une famille en deuil, qui gardera Philippe dans son cœur, avec sa gentillesse, sa modestie, son humour et son intelligence pétillante.

Un recueil d’hommages peut être consulté sur le site dédié co-organisé par le CEPR, Sciences Po et le CAE : https://cepr.org/tribute-philippe-martin

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