Le « Jour de la Libération » annoncé par l'administration Trump marque un tournant majeur dans l'ordre économique mondial, même s’il s’inscrit dans une tendance plus large à la fragmentation des échanges économiques et financiers selon des lignes géopolitiques. Le 2 avril, le président Trump a annoncé une série de mesures commerciales unilatérales visant à réduire la dépendance de l’économie américaine aux produits étrangers : une hausse de 10 points de pourcentage des droits de douane sur tous les biens importés, des mesures sectorielles sur certains produits ainsi que des droits de douane « réciproques » spécifiques à chaque pays enregistrant un excédent commercial avec les États-Unis. Sous la pression des marchés financiers, le président Trump a toutefois annoncé, le 9 avril, une suspension de 90 jours des droits de douane « réciproques » et l'ouverture de négociations bilatérales.
Dans une déclaration commune du Conseil franco-allemand des experts économiques (FGCEE), Antoine Bouët, Julian Hintz, Xavier Jaravel, Ulrike Malmender, Isabelle Méjean, Monika Schnitzer, Moritz Schularick, Achim Truger et Martin Werding, en collaboration le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) et le Kiel Institute for the World Economy (Allemagne), tentent d’interpréter cette offensive tarifaire pour déterminer la réponse la plus appropriée de l’Union européenne.
Pour le FGCEE, l'interprétation la plus probable de l'augmentation de 10 points de pourcentage des droits de douane est qu'elle est permanente, dans l’objectif, pour le moins douteux, de générer des recettes fiscales et de rapatrier des emplois aux Etats-Unis. Pourtant, l'impact économique de ces droits de douane est plus important pour les États-Unis que pour l'UE : selon les auteurs, la baisse estimée de la production réelle aux États-Unis se situe entre 1 et 1,63 % du PIB, alors qu’elle sera relativement faible pour les pays de l'UE, de l’ordre de 0,15 % du PIB.
Quant aux « droits de douane réciproques du jour de la libération », l’interprétation la plus plausible est que l'administration Trump utilise la menace de droits de douane élevés pour obtenir des concessions de ses partenaires commerciaux. Dans cette optique, il semble probable que ces droits de douane « réciproques » soient temporaires et qu'ils seront réduits une fois qu'un accord aura été conclu.
Comment l’Union européenne devrait-elle répondre à cette escalade tarifaire ? Pour le FGCEE, L'UE devrait : 1) annoncer une stratégie de rétorsion claire face aux tarifs discriminatoires américains s’ils devaient être maintenus, 2) soutenir les entreprises européennes dont l'accès au marché américain pourrait être compromis et 3) se coordonner avec d'autres grands partenaires commerciaux et poursuivre la négociation de nouveaux accords de libre-échange. L'UE ne devrait pas offrir de concessions à moins qu'elles ne soient accompagnées de concessions équivalentes de la part des États-Unis.
L'Union européenne doit jouer un rôle de leader dans la défense de l'ordre commercial mondial et de ses règles multilatérales. Cela implique d'adopter une position ferme et d'être prêt à lutter, si nécessaire, contre les droits de douane qui mettent en péril le commerce international et l'économie mondiale. Préserver le système multilatéral international est un objectif essentiel que l'Union européenne doit s'efforcer de maintenir.