Éducation : comment mieux orienter la dépense publique | Communiqué de presse


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Alors que la France consacre 5,4 % du PIB aux dépenses d’éducation (contre 4,9 % en moyenne dans les pays de l’OCDE), les performances du système éducatif français sont décevantes : les résultats des élèves sont en déclin et les inégalités sociales sont parmi les plus fortes des pays développés. Avec la baisse continue du nombre d’élèves liée à la diminution de la natalité, s’ouvre une fenêtre d’opportunité inédite pour repenser l’allocation de la dépense éducative et rendre des arbitrages : faut-il par exemple réduire le nombre d’enseignants ou diminuer la taille des classes ?

Pour orienter ces choix de manière éclairée, Julien Grenet et Camille Landais proposent, dans cette nouvelle Note du Conseil d’analyse économique, d’analyser la dépense publique d’éducation à la lumière d’un nouvel outil d’aide à la décision : l’indice d’efficacité de la dépense publique (EDP). Cet outil permet de mesurer les gains nets d’une politique donnée pour les bénéficiaires par euro investi par la puissance publique. Appliqué à une batterie de politiques éducatives (dédoublement des classes, redoublement, formation des enseignants, etc.), ce nouveau cadre d’évaluation rigoureux offre une boussole inédite pour comparer les politiques entre elles et orienter les choix budgétaires.


 Investir là où la dépense est la plus efficace

Le calcul de cet indice révèle que, loin de constituer un fardeau budgétaire, la dépense éducative, lorsqu’elle est bien orientée, figure parmi les investissements les plus rentables pour la société. Certaines politiques éducatives présentent en effet des retours économiques et sociaux si élevés qu’elles s’autofinancent, générant à long terme des recettes fiscales supérieures à leur coût immédiat.

C’est le cas de la réduction de la taille des classes au primaire, dont les effets positifs sur les apprentissages, en particulier pour les élèves les plus défavorisés, sont bien documentés. Alors que la France se distingue par une taille moyenne des classes supérieure à celle des autres pays de l’Union européenne, notre analyse plaide en faveur de la diminution de leur taille dans le premier degré, en priorisant les classes des réseaux d’éducation prioritaire non encore concernées par le dédoublement.

Recommandation 1 : Mobiliser les marges budgétaires ouvertes par la baisse démographique pour amplifier la réduction de la taille des classes dans le premier degré, en ciblant les contextes prioritaires.

Le déploiement à grande échelle du tutorat est également un dispositif efficace et pourrait conduire, par exemple, à mobiliser 20 % des étudiants de niveau bac+1 à bac+5 à raison de 20 heures par an pour assurer 60 heures annuelles de tutorat aux 10 % des élèves du primaire les plus en difficulté (par groupe de trois). Des politiques très intensives et ciblées, telles que l’internat d’excellence de Sourdun, améliorent aussi significativement les trajectoires scolaires des élèves de milieux défavorisés. Enfin, les programmes de renforcement des compétences socio-comportementales et les dispositifs impliquant davantage les parents dans le suivi scolaire, combinent un faible coût et une efficacité démontrée.

Recommandations 3 et 4 : Développer des dispositifs éducatifs ciblés, comme les internats à fort encadrement, déployer à grande échelle des dispositifs de tutorat pour renforcer l’accompagnement des élèves en difficulté, mettre en œuvre des programmes renforçant les compétences socio-comportementales des élèves, en priorité dans les établissements les plus exposés aux difficultés sociales et scolaires.

À l'inverse, certaines politiques éducatives s'avèrent peu efficaces par euro dépensé, comme le redoublement, les classes de niveau, la distribution d'équipements informatiques ou encore la formation continue des enseignants telle qu’elle est pratiquée en France, c’est-à-dire selon un format peu intensif.

Recommandation 2 : Éviter de recourir au redoublement, ne pas généraliser les groupes de besoin à l’ensemble du collège sans une évaluation préalable de leurs effets.

Les enseignants sont au cœur de la réussite des élèves et concentrent l’essentiel des moyens du système éducatif. Leur formation et leur accompagnement constituent donc des leviers prioritaires pour améliorer l’efficacité de la dépense éducative. Or, les travaux d’évaluation montrent une efficacité très variable des dispositifs de formation continue des enseignants, selon leur intensité, leur contenu et leur ancrage dans la pratique, ce qui doit inviter à une réorientation ambitieuse de la formation en France. L’évaluation des enseignants est par ailleurs un levier d’amélioration pédagogique dont on n’exploite pas tout le potentiel en France alors que cette politique est peu coûteuse.

Recommandations 6 et 7 : Réformer la formation continue des enseignants en privilégiant les formats intensifs, ciblés et ancrés dans la pratique ; renforcer le rôle de l’évaluation formative des enseignants en augmentant la fréquence des inspections pédagogiques et les articulant avec la formation continue. 

Une méthode à généraliser pour mieux orienter les choix budgétaires

Dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, ces résultats invitent à nuancer l’idée selon laquelle le budget de l’Éducation nationale représenterait une réserve d’économies facilement mobilisable sans conséquences négatives durables. Pour approfondir l’analyse et mieux orienter les futurs choix budgétaires, il est nécessaire de pouvoir généraliser l’indice EDP en développant l’expérimentation à grande échelle, en investissant dans les données permettant de mesurer les effets de long terme des politiques éducatives, et en améliorant la connaissance de leurs coûts.

Recommandation 9 : Développer les expérimentations à grande échelle dans des conditions réelles de mise en œuvre, faciliter l’accès et l’appariement sécurisé des données administratives pour élargir les analyses d’impact, et recenser précisément les ressources mobilisées pour connaître le coût complet de ces politiques.

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Éducation : comment mieux orienter la dépense publique

2025-05-14
Alors que la France consacre 5,4 % du PIB aux dépenses d’éducation, les performances du système éducatif français sont décevantes. Comment repenser l’allocation de la dépense éducative? Julien Grenet et Camille Landais proposent d’analyser cette dépense à la lumière d’un nouvel outil d’aide à la décision.